La CES considère les propositions de révision de la Directive sur le Temps de Travail présentées par la Commission Européenne comme inacceptables et totalement disproportionnées

Bruxelles, 22/09/2004

John Monks, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), a déclaré : « Je suis vraiment déçu par la Commission. Elle a cédé dans une large mesure aux pressions de certains États membres et aux groupes de pression patronaux sur des questions essentielles, en permettant une généralisation de l’opt-out individuel, en donnant aux employeurs le droit d’organiser unilatéralement le temps de travail sur une période de 12 mois, et en mettant pratiquement fin à la protection des travailleurs de garde. Les groupes de pression patronaux se plaignent des nouvelles limitations apportées à l’opt-out individuel, mais ce n’est là qu’un écran de fumée.

« Il est clair que les travailleurs non syndiqués seront soumis à une forte pression pour travailler davantage. La Commission s’est rangée du côté de l’offensive générale du patronat sur le temps de travail. Elle aurait dû suspendre sa décision et transmettre l’affaire à la nouvelle Commission. À présent que la Commission a failli à son devoir, la CES attend du Parlement qu’il confirme sa position antérieure et qu’il protége les citoyens européens contre des horaires de travail de plus en plus longs ».

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Commentaires de la CES sur la révision de la DIRECTIVE SUR LE TEMPS DE TRAVAIL

Remarques générales

La CES considère les propositions actuelles comme étant totalement disproportionnées. La Commission prend un risque en soumettant des propositions manifestement contraires aux obligations qui lui incombent en vertu des traités de l’UE, notamment celles d’améliorer les conditions de vie et de travail et de veiller à ce que ces améliorations soient maintenues. Alors que le droit communautaire oblige l’UE à limiter l’horaire de travail de chaque travailleur, le plafond de 48 heures est soumis à une « flexibilisation » accrue et un nouveau maximum de 65 heures par semaine est établi.

Des millions de travailleurs seront davantage exposés à des horaires plus longs et malsains et seront incapables de concilier leur travail avec la nécessité de prendre soin de leurs familles.

En outre, les objectifs de Lisbonne en matière de flexibilité, de production accrue, d’augmentation de l’emploi et de taux de participation plus élevés tout au long de la vie ne sont pas servis par un retour à des méthodes aussi désuètes que la réintroduction de semaines de travail plus longues.

 

Si elles sont adoptées, ces propositions feront de la directive sur le temps de travail une coquille vide, tout en mettant en péril, de manière générale, l’instauration d’aménagements modernes du temps de travail qui tiennent compte des besoins légitimes des travailleurs et des entreprises, sur la base de négociations équilibrées entre les deux parties.

Déclarer, comme le fait la Commission dans l’exposé des motifs, que sa proposition augmentera le niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et assurera une meilleure compatibilité entre la vie professionnelle et la vie familiale, est une insulte à tous les citoyens et à tous les travailleurs qui veulent voir leurs besoins pris au sérieux.

Par conséquent, les propositions sur la table doivent être totalement rejetées.

La CES réitère ses exigences sur la seule voie acceptable :

a) abandonner progressivement toute forme d’opt-out individuel, et restreindre entre-temps ses conditions de manière à lutter dans l’immédiat contre les formes d’abus les plus criantes ;

b) maintenir les garanties existantes relatives à la flexibilisation de la semaine de travail de 48 heures, notamment la nécessité de soumettre aux négociations collectives l’extension des périodes de référence et l’annualisation des heures de travail ;

c) prévoir des solutions équilibrées et proportionnées pour le travail de garde, qui soient conformes au droit communautaire, et tenir compte des droits légitimes des travailleurs, notamment dans le secteur des soins de santé, afin de protéger non seulement la santé et la sécurité du personnel, mais aussi celles des patients.

Quant aux propositions spécifiques :

Opt-out

La CES reconnaît, et elle s’en réjouit, que la Commission s’est efforcée de soumettre des propositions tendant à limiter la mise en œuvre de l’opt-out individuel et à limiter les nombreux abus qui lui sont liés.

Toutefois, le résultat n’apparaît pas très heureux aux yeux de la CES. Loin de reconnaître un droit de veto aux syndicats, contrairement aux protestations des organisations patronales et du gouvernement britannique l’ont dénoncé, la proposition autorise toujours l’opt-out individuel en l’absence de convention collective, ce qui revient non seulement à perpétuer la situation actuelle au Royaume-Uni, mais aussi à mettre en branle une dynamique dangereuse obligeant les syndicats à accepter l’opt-out individuel sous peine de ne pas être reconnus comme partenaires des négociations collectives.

De manière générale, la CES est favorable à une certaine forme de flexibilité dans la mise en œuvre des aménagements du temps de travail à travers les négociations collectives. Toutefois, les partenaires sociaux devront aussi respecter le droit fondamental de chaque travailleur à la limitation de son temps de travail, droit reconnu par la législation européenne. Pourquoi devrions-nous donc donner à chacun, et à chaque niveau, la possibilité de recourir à l’opt-out, alors que nous avons une directive qui, d’une part, est déjà très flexible, et, d’autre part, a pour objectif fondamental de limiter le temps de travail pour des raisons liées à la santé et à la sécurité ?

Quant aux propositions tendant à restreindre les conditions de l’opt-out individuel, la CES souligne qu’elles pourraient être acceptées en tant que mesures à court terme dans le cadre d’une perspective à long terme visant à abandonner progressivement l’opt-out, ainsi que le Parlement européen l’a demandé.

La Commission aurait dû mettre fin aux abus les plus criants au Royaume-Uni depuis plusieurs années déjà.

Périodes de référence

Aucune recherche n’est présentée, ni aucune argumentation invoquée, pour permettre aux États membres d’étendre les périodes de référence jusqu’à 12 mois sans autres conditions. Le fait de supprimer la garantie existante offerte par les négociations collectives lors de l’introduction des horaires annualisés permettra aux employeurs de gérer le temps de travail de leurs employés comme bon leur semble, ce qui donnera lieu à des horaires de travail très longs et/ou irréguliers. La proposition est contraire à l’obligation de promouvoir les négociations collectives, qui incombe à la Commission en vertu du traité instituant l’UE, et est susceptible de mettre en péril les nombreuses pratiques intéressantes, au niveau national, sectoriel et des entreprises, qui mettent en œuvre des formes équilibrées de flexibilité négociée.

Travail de garde

La proposition qui consiste à ne définir comme temps de travail que la « partie active » du travail de garde privera les travailleurs de nombreux secteurs (et pas seulement dans les soins de santé) du droit de bénéficier de périodes de repos compensateur appropriées après une longue période de travail, très souvent dans le cas où une journée de travail complète est suivie d’une garde de nuit.

C’est inacceptable du point de vue de la santé et de la sécurité, mais aussi compte tenu des besoins à long terme de certains secteurs, tels que celui de la santé, qui doivent offrir un environnement de travail attrayant au personnel, au lieu de forcer les travailleurs à démissionner à cause d’horaires de travail épuisants.

Apparemment, la Commission n’a pas suffisamment tenu compte des nombreuses expériences et études au niveau national et sectoriel, qui montrent qu’il est possible d’organiser le travail de garde conformément aux arrêts de la Cour de justice, et avec les ressources financières et humaines disponibles.

La CES rappelle que, dans son préambule, la directive sur le temps de travail proclame que « l’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique ».

Pour la CES, la proposition dépasse de loin ce qui peut être considéré comme une mesure proportionnée. La CES est convaincue qu’il est possible d’adopter des mesures plus appropriées sur la base d’accords conclus entre les partenaires sociaux au niveau européen, national ou sectoriel.