RASSEGNA STAMPA

 

LE FIGARO
26/01/2005

La directive européenne qui sème le trouble en France


A cinq mois de la consultation des Français sur la Constitution européenne, le projet de directive sur la libéralisation des services alimente la précampagne référendaire. Conçue par l'ancien commissaire néerlandais Frits Bolkestein, cette directive s'attire les critiques virulentes des adversaires de l'Europe «ultralibérale», que l'on trouve aussi bien à gauche qu'à droite de l'hémicycle. Pour Frits Bolkestein, il s'agit de lever, au nom de la fluidité du marché communautaire, les obstacles à la libre circulation des biens et des marchandises. Les adversaires de ce texte craignent par-dessus tout ses conséquences sur les normes sociales des Etats membres.

Alors que s'ouvre en France la campagne en vue du référendum, le débat met mal à l'aise la classe politique. Jacques Chirac lui-même a récemment exprimé sa «très grande vigilance» sur ce texte et a souligné que la France était très attentive à la dimension sociale de la construction européenne.

Guillaume Tabard
[26 janvier 2005]
Ancien commissaire européen au Marché intérieur, le Néerlandais Frits Bolkestein n'avait sans doute pas imaginé que son nom débarquerait comme une grenade dégoupillée dans la vie politique française, à l'aube de la campagne référendaire sur la Constitution européenne. Son projet de directive sur la libéralisation des services et son principe de «pays d'origine» pouvant conduire à des pratiques de «dumping social» (lire ci-dessous) suscite pourtant un débat dont l'intensité va croissant.

Hier, à l'heure où s'ouvrait la discussion sur la révision constitutionnelle, le souverainiste Philippe de Villiers arborait dans les couloirs de l'Assemblée nationale les cinquante pages de la «directive Bolkestein». «C'est toute la vie quotidienne des Français qui va être bouleversée : salaires, protection sociale, concurrence déloyale, insécurité juridique, des délocalisations», prévenait-il le matin sur Europe 1, reprenant les menaces déjà brandies depuis plusieurs mois dans les cercles altermondialistes. Et celui qui se pose en héraut du non dans la future campagne référendaire de conclure : «Le seul moyen de rejeter la directive Bolkestein, c'est de voter non au projet de Constitution européenne.»

Pour les opposants à la Constitution, ce projet de directive signerait la «dérive libérale» de l'Union européenne, comme le dénonce le socialiste Henri Emmanuelli. Le débat est pourtant plus complexe. Europhile de longue date, Dominique Strauss-Kahn est aussi parti en guerre contre la directive Bolkestein, dont il a purement et simplement demandé le «retrait», vendredi dans L'Humanité, fustigeant sa logique de «nivellement par le bas».

Comme à propos de la Turquie, le gouvernement assure que l'adoption de la Constitution européenne et la libéralisation des services sont deux questions qui «n'ont rien à voir». Il n'empêche : l'exécutif français redoute tout débat de nature à alimenter l'inquiétude à l'égard de l'Union européenne et donc à faire gonfler le non au référendum. Laurent Fabius n'avait-il pas invoqué la menace des délocalisations pour justifier son opposition à la Constitution ?

L'Élysée et Matignon veulent d'autant plus éviter cet emballement que la France a exprimé ses «réserves» relativement tôt à l'égard de la directive Bolkestein. Vendredi, en recevant le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, Jacques Chirac a redit la «très grande vigilance» de la France dans les négociations en cours et son attachement à la dimension sociale de la construction européenne.

Minoritaire au sein des Vingt-Cinq, la France préfère négocier des dérogations, comme le retrait du champ d'application de certaines professions (audiovisuel, professions juridiques, santé, jeux d'argent). C'est le sens des propositions que devrait formuler la délégation à l'Union européenne de l'Assemblée nationale qui adoptera mardi prochain 2 février un rapport de l'UDF Anne-Marie Comparini. La France mise enfin sur le Parlement européen, dont le vote est nécessaire, en vertu du principe de codécision, et dont une majorité pourrait demander, début mars, une remise en cause du principe contesté du «pays d'origine».