Isabelle Mandraud, La
directive Bolkestein, nouveau chapitre de la querelle européenne au PS, Le
Monde, 18 gennaio 2005
En
apparence, l'unité domine. Qu'ils aient voté "oui" ou "non" à la
Constitution européenne lors du référendum organisé par leur parti le 1er
décembre 2004, tous les socialistes se retrouvent sur la même ligne pour
condamner le projet de directive européenne sur la libéralisation des
services, dite Bolkestein, - du nom de son auteur, l'ex-commissaire
néerlandais libéral Fritz Bolkestein.
Ce texte,
rejeté par la Confédération européenne des syndicats, est considéré par
l'ensemble du PS comme une machine de guerre contre les services publics.
Tous dénoncent en particulier l'instauration du "principe du pays d'origine"
qui permettrait à un prestataire de services de s'établir dans l'un des 25
Etats-membres, sans être soumis à la réglementation locale, notamment dans
le domaine fiscal et social.
Mais le
projet suscite aussi une nouvelle querelle interne et est en passe de
devenir l'objet d'une âpre concurrence entre partisans du "oui" et du "non".
Henri Emmanuelli, député des Landes et cofondateur du courant Nouveau Monde
opposé à la Constitution, assure qu'il a, le premier, réclamé par écrit au
premier secrétaire François Hollande un débat au bureau national sur le
sujet. L'élu devait inaugurer, mercredi 19 janvier, un site Internet "pourunenouvelleeuropesociale.
org" dénonçant, pétition ouverte à l'appui, la directive. Dans l'esprit de
M. Emmanuelli, cette bataille constitue avant tout le meilleur moyen de
poursuivre son combat pour le "non" à la Constitution européenne, sans
paraître s'opposer frontalement au PS qui a choisi, après le vote
majoritaire des militants, de faire campagne en faveur du traité.
Pour ne pas
paraître en reste, les "oui", accusés par les "non" d'avoir escamoté cette
question pendant la campagne interne sur le traité européen, s'organisent
eux aussi. Les discussions à Bruxelles sur la directive Bolkestein, adoptée
par la Commission européenne le 13 janvier 2004, se poursuivent. Et le PSE,
qui réunit les partis sociaux-démocrates européens, n'a pas encore tranché
sur la position qu'il adoptera.
Le député
européen Bernard Poignant, président de la délégation socialiste française,
tenant du "oui", y voit une bonne occasion, au moment où la campagne pour le
référendum national sur la Constitution va s'ouvrir, de se distinguer de la
droite. "Ceux qui parleront des Turcs ne parleront pas de Bolkestein et
vice versa", assure-t-il. Le 25 janvier, M. Poignant a donc obtenu que
le bureau national du PS se saisisse du sujet et que ses membres en
débattent en présence d'Evelyne Gebhardt, la rapporteure allemande du texte.
"RACONTÉE
AUX ENFANTS"
Dans une
note préparatoire, le Français met prudemment en garde contre la rupture de
"la méthode Delors" pour la construction européenne, qui privilégiait
jusqu'ici "la recherche d'une harmonisation des législations nationales"dans
le cadre de la liberté de circulation des personnes, des services et des
capitaux. Dans la lettre
La Tête à
gauche,
le député européen Harlem Désir, partisan du "oui" à la Constitution, va
plus loin. Le projet, explique-t-il, "revient tout simplement à
introduire, sans débat, la concurrence dans des services publics et sociaux
qui étaient restés jusqu'ici à l'écart des directives sectorielles de
libéralisation (...). Rien ne
garantit notamment que soient exclus du champ de la directive la santé,
l'aide sociale et médico-sociale, les services à domicile des personnes, les
services culturels et même une partie de l'éducation". Il
conclut : "C'est une prime à l'Etat
le moins exigeant."
La querelle
a toutes les chances de s'envenimer. Car selon les partisans du "non", le
traité constitutionnel constitue le cheval de Troie du projet de la
directive Bolkestein. "Pas du tout, s'insurge M. Poignant, il
donne au contraire de meilleurs outils pour la combattre." "Ça, c'est
l'histoire de
la
Constitution racontée aux enfants",
ironise le plus fidèle soutien de Laurent Fabius, Claude Bartolone, député
de Seine-Saint-Denis. "Ce texte, affirme-t-il, donne une
traduction de l'Europe qui se construit."
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